top of page

Sommaire

 

Dominique BERTHET

Avant-propos



Valérie ARRAULT

La rencontre inéluctable de l’art contemporain et du Kitsch



Dominique BERTHET

La rencontre : un irréversible basculement



Christian BRACY

Chaos et/ou Cosmos. Du voyage, du rendez-vous et de la rencontre



Dominique CHATEAU

L’esthétique de l’art comme rencontre



Richard CONTE

Bille en tête, ou faire l’artiste parmi les joueurs de boules



Hugues HENRI

Rencontres entre les religions afro-américaines et les arts au Brésil



Marc JIMENEZ

Une esthétique de la rencontre



Samia KASSAB-CHARFI

Sémiologie du Lieu d’une migration :l’exemple de Testour, village morisque de Tunisie



Jean LANCRI,

A la rencontre de la Rencontre.  (40 + 1 mini-textes pour un essai d’analyse de La Rencontre à la Porte d’Or par Giotto)



Hervé-Pierre LAMBERT

L’art et le posthumain



René PASSERON,

A la rencontre du daimôn intérieur



Antonio ROSCETTI

Genèse d’un parcours en arts visuels à travers la rencontre

Présentation des auteurs

Actes n° 12

Une esthétique

de la rencontre 

Avant-propos

 

 

Dominique BERTHET

 

Cet ouvrage se situe dans le prolongement d’une réflexion menée en 2006 par le Centre d’Etudes et de Recherches en Esthétique et Arts Plastiques (CEREAP) de l’IUFM de Martinique, donnant lieu dans un premier temps à la publication d’un numéro de son organe éditorial, Recherches en Esthétique. Le 12° numéro de cette revue rassemblait une vingtaine d’articles sur la thématique de « La rencontre ». À la suite de cette parution, le CEREAP organisait un colloque sur cette même notion, dont on pourra lire les actes dans les pages qui suivent[1]. Il s’agit de textes inédits, prononcés à cette occasion, qui viennent donc s’ajouter à ceux publiés antérieurement dans la revue.



Le terme « rencontre » couramment utilisé renvoie à une diversité de situations qui n’ont pas toutes les mêmes implications. Elle est définie à la fois comme un coup de dés, un combat, un duel, une circonstance fortuite, la mise en contact de deux personnes par hasard, ou de manière concertée, prévue, le fait d’aller vers quelqu’un qui vient, d’aller au-devant. On parle aussi de mauvaise rencontre et de malencontre.



Puisque le même mot désigne des cas de figure aussi différents les uns des autres, il convient de lui donner un relief particulier en l’associant à un autre terme. On parlera alors de rencontre déterminante. Ainsi la rencontre déterminante ne concerne-t-elle que certaines formes de rencontre qui renvoient à un moment particulier, hors du commun, pouvant concerner aussi bien quelque chose de favorable et de positif, que quelque chose de dramatique et de douloureux. En ce sens, cette rencontre se distingue du simple contact, de la simple mise en présence. Elle n’est pas sans lendemain et sans conséquences. Elle est rare, c’est un événement qui ouvre sur du nouveau ; elle est un événement-avènement.



La rencontre peut tout autant être associée à l’émerveillement, à l’enchantement, au ravissement, qu’au drame, à la tragédie, à la catastrophe. La raison en est qu’elle renvoie aussi bien à la conjonction heureuse qu’au combat. Dans le premier cas, que nous nommerons rencontre-fascination, la rencontre relève du mystère, de la surprise, de l’étonnement, de l’imprévisible. Elle résulte d’un concours de circonstances favorables.



Pour que cette rencontre-fascination opère, il faut donc que certaines conditions soient réunies et la première d’entre elles est la disponibilité à son surgissement. Ensuite, elle s’accompagne d’une réciprocité ; c’est cette qualité de la relation, ouvrant sur des rapports singuliers et troublants, qui débouche sur une alchimie. Elle est un événement qui entraîne une modification du cours des choses, qui bouleverse un état, qui fait basculer l’existence. Elle ne concerne donc pas la rencontre prévue et préméditée.



La rencontre ne se produit pas n’importe quand, n’importe où ni n’importe comment. Il faut le bon moment, le bon endroit, les bonnes conditions. Elle survient au moment opportun. C’est-à-dire à un moment qui ne se représentera pas, du moins pas sous cette forme. La formule « c’est le moment où jamais », désigne le bon moment pour agir, ce qui doit être fait à temps et qui ne tolère ni retard ni hésitation. Les Grecs appelaient ce moment particulier où l’action humaine coïncide avec le temps, le kairos, traduit en latin par opportunistas et en français par occasion. Le kairos désigne l’aptitude à saisir l’occasion opportune. Encore faut-il ne pas la laisser filer. Si on la laisse passer, la rencontre est alors manquée. Le kairos est une question de sensation, d’intuition mais sans doute aussi de connaissance antérieure. Le kairos suppose en effet un savoir qui permet de le reconnaître. Sans ce savoir, il n’est qu’événement ordinaire, événement parmi d’autres. Mais pour celui qui sait, cet événement se révèlera comme déterminant.


Une autre forme de rencontre peut aussi entraîner un bouleversement, faire basculer l’existence, c’est la rencontre-collision. Celle-ci est terrible, impitoyable, meurtrière. Elle est sauvage, cruelle, barbare. L’histoire est pleine de ces rencontres-conquêtes, y compris dans notre période contemporaine.



Or, il s’avère que ces deux formes de rencontre déterminante s’accompagnent d’effets imprévisibles, ouvrent sur une réalité nouvelle, une donnée nouvelle, un présent nouveau. En cela, la rencontre est mouvement, elle est un phénomène actif. Dans les deux cas, au sens propre comme au sens figuré, elle est un choc. Après plus rien n’est pareil. Elle est une bascule. La rencontre-bascule est troublante et marquante, imprévisible et irréversible.



Outre la rencontre de l’autre, cette notion concerne aussi, comme en témoigne ce volume, des lieux, des objets, des œuvres d’art. Certains lieux séduisent, fascinent, attirent, inspirent, d’autres produisent des sensations inverses. La relation à un lieu peut, elle aussi, produire des effets imprévisibles. La découverte d’un objet, comme en ont témoigné par exemple Alberto Giacometti, Pablo Picasso ou encore André Breton, peut également avoir des conséquences inattendues, réorienter une création, ouvrir sur de nouveaux horizons. Pour ce qui est du domaine artistique, la rencontre concerne à la fois l’expérience esthétique – la rencontre d’une œuvre –, et la rencontre des arts entre eux, donnant lieu à des hybridations, des mélanges, des confrontations, des combinai-sons, des assemblages. Interroger la rencontre en art, c’est interroger l’infini des possibles dans le mouvement permanent de l’imprévisible.



[1] Ce colloque s’est tenu à l’IUFM de Guadeloupe, les 9 et 10 décembre 2006.

bottom of page