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Sommaire

Avant-propos

Dominique BERTHET

 

I – L’île entre fantasmes, clichés et réalité

 

Marc JIMENEZ, L’écart des îles

Dominique CHATEAU, « Robinson finit par avoir fait son île » : sur quelques représentations (audio)visuelles du fantasme insulaire

Hélène SIRVEN, Esthétiques insulaires, d’îles en archipels (II)

Lise BROSSARD, Mythopoièse de l’insularité

Valérie ARRAULT, Place Vendôme, une île parisienne

Sophie RAVION D’INGIANNI, La carte comme l’enjeu d’une altérité insulaire

Bruno PEQUIGNOT, Peindre à l’île.

Réflexions sociologiques sur la notion de création insulaire

Scarlett JESUS,  Réflexions à propos d’un musée d’Art en Guadeloupe

II – Arts et insularité

 

Richard CONTE, Le ravissement d’être abeille. Une extase aux Comores

 

Dominique BERTHET, Michel Rovelas, une approche de l’insularité

 

Jocelyn AKWABA-MATIGNON, Les chercheurs de l’existence

 

Richard-Viktor SAINSILY CAYOL, Territoires insulaires, terroirs subversifs ?

 

Léna BLOU, La création insulaire, un art elliptique

 

SENTIER, Singularité et insularité

 

Présentation des auteurs

Actes n° 19

Création et insularité 

Avant-propos

 

 

Dominique BERTHET

 

   Les 29 et 30 novembre 2014, le CEREAP (Centre d’Études et de Recherches en Esthétique et Arts Plastiques)[1] organisait en Guadeloupe un colloque sur le thème « Créations insulaires ». En janvier 2015 paraissait le 20e numéro de la revue Recherches en Esthétique (organe éditorial du CEREAP) portant sur le même thème. Le présent ouvrage, afin de se distinguer de la revue, porte un titre sensiblement différent, Création et insularité, et fournit une trace écrite des communications faites lors de ce colloque. Celles-ci donnent lieu à des textes inédits, qui viennent ainsi compléter ceux publiés dans Recherches en Esthétique. Quatorze intervenants de Guadeloupe, de Martinique et de plusieurs universités (Antilles, Paris 1, Paris, 3, Montpellier) apportent des éclairages sur le sujet. Outre les universitaires, des critiques d’art, des plasticiens et une chorégraphe témoignent de leur pratique et de leur façon de penser et de vivre cette situation d’insularité. L’ouvrage divisé en deux parties : « L’île entre fantasmes, clichés et réalité » et « Arts et insularité », fournit des approches à la fois théoriques et artistiques.

 

   Associer les termes création et insularité revient à s’interroger sur les liens éventuels qui existent entre les deux termes et, sur le fait que le contexte d’insularité, peut-être, donnerait lieu à des créations artistiques particulières. Si l’on part de l’idée que le lieu est déterminant, l’hypothèse d’une influence spécifique de l’insularité sur les pratiques et les productions artistiques ne semble pas absurde. Si tel est le cas, comment cela ressurgit-il sur les œuvres, leurs formes, leurs contenus, les dispositifs mis en place par l’artiste pour envisager leur transport et leur monstration ?

   Il convient tout d’abord de s’intéresser à ce qui caractérise l’insularité afin de mieux comprendre ce qu’elle génère. Puisque l’insularité renvoie à l’ensemble des caractéristiques d’une ou de plusieurs îles, il convient de s’interroger sur la notion d’île. Celle-ci, à l’évidence, renvoie à des réalités multiples. Du point de vue de leur superficie, certaines sont des éclats minuscules de terre, tandis que d’autres ont la taille d’un continent. Entre ces deux extrêmes, les surfaces sont variables. En fonction de la taille de l’île, le rapport au lieu de celui qui y vit est naturellement différent. Il peut s’y sentir isolé, ou au contraire relié, en contact. Le ressenti lié au contexte d’insularité est donc déterminé, entre autres choses, par la superficie du territoire. Il peut également être lié au fait que des îles sont totalement isolées, alors que d’autres font partie d’un archipel. La proximité d’un continent influe sans doute aussi sur le ressenti.     Le sentiment de « bout du monde » ne s’éprouve donc que dans certains contextes. 

À cela s’ajoute le fait que l’insulaire et le continental n’appréhendent pas l’île de la même manière. Leur rapport au lieu, leur perception de celui-ci sont distincts. Pour le continental, l’île est souvent associée à une somme de fantasmes et de clichés. Souvent, l’île rêvée se situe dans une région tropicale. Le continental y projette ses désirs qui contrastent avec la réalité de son quotidien. Pour lui, l’île est un ailleurs associé à l’idée d’isolement, de solitude. Cet espace entouré d’eau se distingue toutefois d’autres espaces qui inspirent également la solitude, comme les déserts ou les grandes plaines inhabitées. L’île possède un charme particulier. Elle est chargée de l’espoir d’autre chose, de bien-être, de plaisir. Elle est une sorte de promesse de bonheur. L’île tropicale est associée au soleil, aux décors de cartes postales avec eau turquoise, sable blanc et cocotiers. Un lieu où le temps semble suspendu. Ces images renvoient au mythe du Paradis sur terre. Ces machines à rêve séduisent et attirent le continental, car elles jouent sur le contraste saisissant avec ce qu’il vit et là où il vit.         Mais la réalité qui se dissimule derrière ces images séduisantes est toute autre.

Pour ce qui est de l’îlien, son attachement à son lieu est profond. Il ne vit pas son espace comme clos, étroit, fermé, coupé, isolé. Il se sait et se sent relié. Il en connaît par expérience les particularités, les contraintes, les difficultés, il est imprégné aussi de son histoire. Pour ce qui est de la Caraïbe, chaque île possède une histoire qui lui est propre, même si ces îles ont été marquées par une histoire tragique commune liée à la déportation et à l’esclavage ; une histoire que le temps n’efface pas des esprits. Chacune de ces îles est devenue, par la force des choses, un laboratoire humain et culturel. Elles sont le creuset de peuples nouveaux, résultat de métissages répétés. Elles invitent et amènent à des pensées nouvelles.

   Pour l’insulaire, l’île n’est évidemment pas un ailleurs rêvé, puisqu’elle est son ici, son quotidien. Il fait le constat chaque jour que son capital spatial, plus ou moins grand, s’accompagne d’un surcoût économique. Il est conscient aussi, pour ce qui est des îles de la Caraïbe, des menaces bien réelles que sont les cyclones, les tremblements de terre et les risques volcaniques. Cela influe sur son mode de vie, sa façon de penser, d’appréhender les choses et  de créer.

 

   Ce colloque s’étant tenu en Guadeloupe, la question de la création insulaire a souvent concerné la Guadeloupe et la Martinique, mais pas exclusivement. Il est aussi question, dans ce volume, des Comores ; même de l’Île de la Cité. Différentes notions traversent ces textes comme l’utopie, la créolisation, la mondialisation, le mythe, le fantasme, le voyage, la relation au lieu et à l’autre, l’isolement ou au contraire le lien. Ces communications qui restituent une diversité des approches témoignent de la richesse et de la complexité d’un sujet manifestement inépuisable.

 

[1] Équipe interne du CRILLASH (Centre de Recherches Interdisciplinaires en Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines), de l’Université des Antilles.

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