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Sommaire

Avant-propos

Dominique BERTHET

 

I – Esthétique du détournement

 

Bruno PÉQUIGNOT

Le détournement, une esthétique du politique ?

 

Christophe GENIN

Le détournement : de l’accidentel au principal

 

Dominique BERTHET

Appropriation et détournement

 

Dominique CHATEAU

Le détournement : genèse et interprétation. À propos d’une séquence des Chiens errants, de Tsai Ming-liang

 

Frédéric LEFRANÇOIS

L’art du détournement chez Banksy

 

II – Détournements en Caraïbe

 

Scarlett JÉSUS

Adam, Ève et la pomme : remix et détournement

 

José LEWEST

Le détournement dans la construction des langages

plastiques dans la Caraïbe

 

Mireille BANDOU KERMARREC

Eddy Firmin et Marielle Plaisir : une déconstruction

des imaginaires

 

Richard-Viktor SAINSILY CAYOL

Musing Jeopardy. Héritier captif… Rebelle

 

Stan MUSQUER

La peinture comme détournement de la doxa

 

Anne-Catherine BERRY

D’hybridations en métamorphoses : émergence de formes combinatoires dans l’art haïtien

 

Martine POTOCZNY

Pratiques, enjeux et pouvoirs du détournement dans l’art

à Cuba

 

Marvin FABIEN

Les enjeux de la dématérialisation de l’art : l’œuvre face

au détournement numérique

 

Présentation des auteurs

Actes n° 23

Art et pratiques du détournement 

Avant-propos

 

 

Dominique BERTHET

 

            Les textes qui composent le présent volume sont issus d’un colloque intitulé « Art et détournement » qui s’est tenu en Guadeloupe, en novembre 2018, à l’initiative du CEREAP[1]. Au cours de deux journées de communications et d’échanges, se sont succédé des philosophes de l’art, sociologues de l’art, critiques d’art, plasticiens, doctorants, etc. Ces auteurs ont diversement traité cette thématique, proposant des approches variées et présentant des pratiques artistiques singulières. Le sommaire révèle une grande diversité des références artistiques avec toutefois une forte présence d’artistes et d’œuvres de la Caraïbe. Cet ouvrage a entre autres pour intérêt de proposer des réflexions inédites et d’apporter des informations sur des œuvres contemporaines caribéennes qui méritent une large reconnaissance.

            À travers ces textes, le lecteur pourra mesurer à quel point le recours au détournement n’est pas qu’un procédé ou qu’une technique, mais qu’il est porteur de sens et peut aussi être un outil critique efficace. Nombre de ces réflexions expliquent les intentions des artistes, les raisons et l’intérêt pour eux d’utiliser le détournement. Celui-ci est un moyen de dire, voire de dénoncer. Les situationnistes qui théorisèrent le détournement dans les années 1950 le considéraient comme une arme politique. Guy Debord et Gil Wolman qui proposèrent un « Mode d’emploi du détournement »[2], s’appuyant principalement sur les domaines de la littérature et de la poésie, mais évoquant aussi le cinéma et l’architecture et, par extension, tout ce qui touche à la vie sociale, distinguaient les détournements « mineurs », « abusifs » et l’« ultra-détournement ». Ce dernier renvoyait aux tendances du détournement qui s’appliquent dans la vie sociale au quotidien. « L’idée-limite est que n’importe quel signe, n’importe quel vocable, est susceptible d’être converti en autre chose, voire en son contraire »[3], déclarent les deux auteurs.

            Le détournement est l’une des modalités de l’appropriation. De même que l’on peut, dans le domaine artistique, s’approprier à peu près tout, si l’on en croit Debord et Wolman tout est susceptible d’être détourné. Ils prônent d’ailleurs une systématisation de la pratique du détournement. Les mots, les gestes, le langage, le vêtement, des situations entières peuvent, devraient, selon eux, être détournés.   

Le détournement peut avoir de multiples déclinaisons. Il peut être ludique, ironique, critique, littéral, symbolique, physique, provocateur, radical, minimal, mineur, la liste est longue. L’histoire de l’art fournit d’innombrables exemples. On peut avancer l’idée que plusieurs avant-gardes artistiques du XXe siècle ont valorisé une esthétique du détournement. Au-delà des groupes et des mouvements, des artistes comme Pablo Picasso, Marcel Duchamp, Raoul Hausmann, Kurt Schwitters, César, Jean Tinguely, Robert Rauschenberg, Christian Boltanski, Vik Muniz, Dominique Zinkpé et tant d’autres, dans une grande diversité des pratiques, ont fait directement ou indirectement l’éloge du détournement. La Caraïbe n’est pas en reste, qu’il s’agisse de détournement d’objets, d’images, de références, de matériaux, ainsi qu’en témoignent plusieurs articles de ce volume.

Le détournement modifie l’apparence d’un objet, d’une chose, d’une œuvre et propose un écart, un décalage, une nouveauté. Il est une modification de l’usage, de la fonction, du contexte, du lieu, de la nature, de l’aspect. Il résulte d’une manipulation des images, des mots, des choses. Il permet de dire ou faire dire autre chose, d’opérer des rapprochements insolites, inattendus d’objets, d’images. Il résulte d’une créativité, d’une inventivité. Il est de l’ordre du jeu, du clin d’œil, mais il peut aussi être perturbateur, subversif. Il est parfois troublant, dérangeant. Il transgresse, reconfigure, transforme, désacralise. Il peut toucher tous les domaines, il s’invite dans la vie quotidienne et se manifeste aussi dans de nouveaux territoires comme le numérique. Les textes qui suivent en sont l’illustration.

 

[1] CEREAP : Centre d’Étude et de Recherches en Esthétique et Arts Plastiques, équipe interne du CRILLASH Centre de Recherches Interdisciplinaires en Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines de l’Université des Antilles.

[2] Guy Debord et Gil Wolman, « Mode d’emploi du détournement », paru dans la revue surréaliste belge Les Lèvres nues, n° 8, mai 1956.

[3] Id., ibid., p. 8.

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