top of page

TABLE DES MATIERES

 

Avant-Propos : Dominique BERTHET



I – Passé et mémoire
Dominique CHATEAU : Logique de la trace ou… l’art grec en question
Roger TOUMSON : La mémoire revisitée. Fantômes et revenants
Ernest BRELEUR : Ce que « traces » veut dire
Suzanne LAMPLA : Traces et modernité : Vincent Placoly et les mots



II – Trace – tracés
Richard GUEZ : Approche du rôle des traces au niveau plastique dans l’œuvre visuelle
Alain JOSEPHINE : Ce que trace l’écriture



III – Les pratiques en question
Lise BROSSARD : Quand un thème devient trace
Frédéric LEVAL : L’acte substantialisé
Dominique BERTHET : De l’irradiation à l’œuvre. La  présence-absence du corps dans l’œuvre d’Ernest Breleur
Giovanni JOPPOLO : Petits-grands moteurs conceptuels



IV – Imprégnations
Claudine ROMEO : Quelques traces de philosophie dans l’esthétique
Fred RENO : Traces créoles du politique dans les Caraïbes

Notes sur les auteurs

Actes n° 4

Les traces et l'art

en question 

AVANT-PROPOS


Dominique Berthet

 

Cet ouvrage questionne un terme d’une complexité inattendue. L’emploi fréquent du mot « trace » lui donne les aspects du mot simple dont la définition est supposée évidente. Pourtant, qu’est-ce qui distingue par exemple la trace de l’empreinte ? Outre deux formulations courantes qui induisent peut-être quelques pistes de réflexion : faire une empreinte et laisser une trace, la tentative de réponse rencontre certaines difficultés.



Les textes qui composent ce volume ne traitent pas des ressources de l’empreinte, déjà étudiées par Georges Didi-Huberman dans le catalogue de l’exposition portant précisément le même titre[1], pas plus que de la différence existant entre empreinte et trace. Ils questionnent la seconde notion d’emblée en tant que marque, passage, piste, questionnement du lieu, de l’origine, regard sur le passé qui travaille le présent, effet de survivance, présence.



Ernst Bloch avait intitulé l’un de ses ouvrages dans lequel il évoquait des faits divers, des souvenirs, des anecdotes, des histoires : Traces[2], comme autant de jalons préparant l’avenir. Walter Benjamin, quant à lui, disait de l’origine qu’elle « est un tourbillon dans le fleuve du devenir »[3]. Mais la trace est aussi un parcours, une piste à tracer, à frayer dans un environnement donné. Tracer c’est ouvrir une voie, une brèche. Aux Antilles, une tracée est un sentier, une voie rudimentaire qui a été défrichée dans la forêt. Cette tracée frayée par les Nègres marrons en fuite, était aussi le chemin de la liberté, le sentier de la révolte. René Ménil, philosophe martiniquais, créateur avec Aimé Césaire de la revue Tropiques, a rassemblé précisément sous le titre de Tracées[4] une série d’articles circonstanciels rédigés entre 1930 et 1980.



     La trace a aussi une pensée. Edouard Glissant oppose cette pensée de la trace à la pensée de système, faussement universelle, qu’il appelle volontiers la « pensée occidentale ». La pensée de la trace prend en charge l’imprévisible, présenté et considéré comme une valeur ajoutée. La trace est le nouveau, la divagation, l’errance. « Contre ces renversées des vieilles routes, la trace est la poussée tremblante du toujours nouveau. […] La trace est à la route comme la révolte à l’injonction et la jubilation au garrot », écrit Edouard Glissant[5].



    Les textes rassemblés ici sont, quant à eux, la trace écrite du quatrième colloque organisé par le CEREAP (Centre d’Etudes et de Recherches en Esthétique et Arts Plastiques[6], à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, les 5 et 6 décembre 1998[7]. Ce colloque a rassemblé une douzaine d’intervenants (philosophes, esthéticiens, historiens d’art, sémioticiens, plasticiens, etc.), représentants de l’IUFM et de l’Université des Antilles et de la Guyane ainsi que de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne.



     Ces interventions venaient compléter d’autres textes sur la même notion, publiés dans le quatrième numéro de Recherches en Esthétique[8], en apportant d’autres approches et d’autres questionnements.



     La diversité des propos en présence témoigne d’une épaisseur de la trace, de l’irréductibilité de la mémoire, du phénomène de survivances et de mutations. La trace comme le montrent les réflexions qui suivent est une sorte de lien entre le passé, le présent et le devenir ; elle est un questionnement sur le temps et sur le geste, sur l’acte et le vestige, sur l’indice et l’absence.

mars 2000

 

[1] Georges Didi-Huberman, L’empreinte, Catalogue de l’exposition, Paris, éd. du Centre Georges Pompidou, 1997.
[2] Ernst Bloch, Traces, Paris, Gallimard, 1968.
[3] Walter Benjamin, L’origine du drame allemand, Paris, Flammarion, 1985, p. 43.
[4] René Ménil, Tracées, identité, négritude, esthétique aux Antilles, Paris, éd. Robert Laffont, 1981.
[5] Edouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996, p. 69.
[6 ]Les actes du premier colloque ont été publiés sous le titre : Distances dans les arts plastiques, CNDP ; ceux du second : Art et Appropriation, Ibis Rouge ; ceux du troisième : Art et Critique. Dialogue avec la Caraïbe, L’Harmattan.
[7] Au centre culturel Rémy Nainsouta
[8] Recherches en Esthétique, n° 4, « Trace(s) ».

bottom of page