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Sommaire

 

Éditorial : Dominique BERTHET

 

I –  L’art au risque de sa réception

Marc JIMENEZ, entretien avec Dominique BERTHET, Attention à l’art contemporain !

Christophe GENIN, « Je suis Charlie », versus « Oui, mais… », ou la réception comme possible renaissance de la barbarie

Michel GUERIN, Trois paradigmes de la réception de l’art

Dominique CHATEAU, La réception de l’art à l’ère du post-art

Christian RUBY, L’art avant la réception

Dominique BERTHET, La réception de l’art, de l’étonnement au geste extrême

Leszek BROGOWSKI, Recevoir c’est donner. La revanche de l’art

 

II – Réception de l’art et diversités culturelles

Bernard LAFARGUE, L’art comme expérience festive, démocratique et aristocratique au temps des événements

Kenji KITAYAMA, Questions sur la diversification de l’art

Babacar Mbaye DIOP, La réception de l’art au Sénégal

Samia KASSAB-CHARFI, Descreen Tunisia. L’art du détramage par Aïcha Filali. Variations tunisiennes sur des miniatures persanes

Isabel NOGUEIRA, L’image cinématographique dans le cadre du désir

Marion HOHLFELDT, Streetwise. Remarques sur l’œuvre publique de Desiree Palmen

Hugues HENRI, Genèse, réception et postérité de l’œuvre de Marcel Duchamp, Etant donnés : 1°) la chute d’eau, 2°) le gaz d’éclairage

 

III – La réception de l’art en Caraïbe

Scarlett JESUS, « Entre jouissance et effroi », ou l’analyse de la réception de dix-sept dessins « érotiques » sur le Minotaure de Michel Rovelas

 Christian BRACY, Aimer, rejeter, comprendre, se brouiller avec

Dossier 12e Biennale de Cuba (mai-juin 2015)

Scalett JESUS, En 2015, avec sa 12e Biennale, La Havane s’autorise à la fois l’extra et l’ordinaire

Hélène SIRVEN, Impressions de voyage : la réception de l’exposition dans le contexte insulaire cubain

Henri TAULIAUT, entretien avec Dominique BERTHET, Résonances cubaines

 

IV – NOTES DE LECTURE

n° 21La réception de l'art

EDITORIAL

   

   La réception de l’art est un thème de réflexion particulièrement riche en raison des différents aspects qu’il recoupe. Il concerne ce qui relève du goût, de la subjectivité, de l’émotion, du sensible. Il questionne aussi l’interprétation, considérée parfois comme un prolongement de l’œuvre, voire comme un achèvement possible de celle-ci. Il renvoie également aux questions liées, entre autres choses, à l’étonnement, à la surprise, au trouble, au choc, à la provocation, au scandale, et par voie de conséquence à toute forme de réaction de la part du public, des institutions et des autorités.

    Ce thème vise principalement le spectateur, mais il concerne également l’artiste et l’œuvre. La position de l’œuvre est centrale. Le créateur réalise (ou fait réaliser) une œuvre qui résulte d’une démarche, d’une intention, d’un projet, d’un processus. Ce que l’œuvre devient, une fois présentée au public, échappe à son auteur. De plus, un monde sépare parfois l’intention de l’artiste de la réception qu’en fait le public. Production et réception relèvent en réalité de deux mondes distincts. La question est de savoir s’ils sont compatibles. Au bout du compte, l’œuvre réalisée par l’artiste est-elle la même que celle que découvre le public, ou bien est-elle le lieu d’un malentendu ?

     Une production artistique dont la réception débouche sur une acceptation, une approbation, une adhésion de la part du public, suscite sans doute moins de curiosité qu’une autre qui provoque au contraire des réactions d’incompréhension ou de plus ou moins franche hostilité. Ce qui retient l’attention est une réception qui pose problème ou du moins qui pose question. Ces œuvres faisant débat, à l’origine de controverses sont d’ailleurs fort nombreuses dans toute l’histoire de l’art.

    Face à ces œuvres, le panel de réactions est large en fonction des pays concernés, du régime politique et/ou religieux en place, de la culture, du contexte, du type de public qui est confronté à l’œuvre. En fonction des cas, les réactions s’expriment au travers de plaintes, de procès, de vandalisme, de destructions, de censures, d’arrestations de l’artiste, d’incarcérations, d’intimidations. Tous les régimes ne réagissent pas de la même façon face à la critique qui s’exprime au travers de l’art.

    Le domaine artistique a souvent été un lieu d’audaces, d’innovations, de dérisions, de résistances, de contestations, de transgressions, de subversions. L’art moderne et l’art contemporain en ont fait un espace de toutes les expérimentations, de toutes les explorations, de toutes les aventures. Dans le domaine artistique s’inventent d’autres mondes, d’autres possibles, des utopies. Il est à la fois imprévisible et incontrôlable.

Le décalage est donc parfois important entre ce que réalise l’artiste et ce que le public est en mesure de recevoir et d’accepter dans un temps et une société donnés. Il faut du temps pour que le goût du public se forme, évolue. Dans sa recherche de nouveauté et de singularité, l’artiste a toujours plusieurs longueurs d’avance. La réception intervient après coup. Création et réception ne sont pas dans le même timing. Pourtant, la réception joue un rôle fondamental dans l’histoire de l’œuvre, puisqu’elle participe et contribue à sa « survie », à son prolongement dans le temps. Lorsque l’œuvre est terminée et qu’elle échappe à son créateur, elle poursuit son existence au travers des regards du public, par-delà son époque de création.

 

    Le thème de ce 21e numéro s’est imposé en raison des événements tragiques survenus à Paris en janvier 2015, parmi lesquels une partie de la rédaction du magazine satirique Charlie hebdo a été massacrée par deux individus criant vengeance, estimant que leur Dieu avait fait l’objet de représentations humiliantes. Le fait que la publication, en France, de dessins humoristiques soit à l’origine d’un bain de sang a suscité dans la population un élan d’indignation, mais aussi des prises de position selon lesquelles, après tout, ces « provocateurs l’avaient bien cherché »... En résumé, pour certains, on ne peut pas rire de tout.

     Cette tragédie amène à se demander si certains sujets sont tabous, comme ce qui relève des croyances religieuses, et si donc il y a des limites aux libertés d’expression et de création. Le problème est réel, car les cas de censures et d’autocensures risquent de se multiplier afin d’écarter tout risque de mécontentement et de représailles. Pourtant, quel serait l’intérêt d’un art qui se conforme aux règles, aux attentes, à la bienséance ; un art prudent, courtois, tout en rondeur ; un art de convenance, moralisateur, divertissant ? Est-ce cela ce que l’on attend vraiment de l’art ?

 

    Par ailleurs, les textes rassemblés dans ce numéro témoignent une fois encore d’une grande diversité d’approches vis-à-vis du thème proposé. La dimension internationale est toujours aussi présente, puisque les contributeurs viennent de France, des Antilles, du Japon, du Sénégal, de Tunisie et du Portugal. Cette revue poursuit ainsi son ouverture sur le divers.

    Ce numéro consacre également un dossier à la récente biennale de Cuba, au travers de deux comptes rendus de visite et d’une interview d’un artiste antillais invité à cette manifestation. En cela, le numéro 21 de Recherches en Esthétique colle là aussi à l’actualité et poursuit son ancrage dans l’espace caribéen.

 

Dominique Berthet

 

 

 

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